Villenauxe-la-Grande est heureuse de compter parmi ces nombreuses associations, une association dédiée à la préservation et la transmission de l’histoire de Villenauxe-la-Grande.
et de ses environs est une association loi 1901 qui existe depuis 2003, ses membres, des passionnés d’histoire et de patrimoine transmettent leurs découvertes et leur savoir lors de nombreuses expositions, conférences ou encore dans des brochures éditées chaque années.

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Villenauxe la Grande à travers les âges

À l’origine était Villonissa, la terre de Villonius

« C’est Villenauxe la longue qu’il faudrait la nommer ! » disait avec humour un historien local du XIXe siècle. Car la ville se trouvait, alors, étroitement encaissée dans la vallée de la Noxe, le long de laquelle elle s’étirait sur deux bons kilomètres, dans un axe nord/sud.
Aux premiers temps de l’humanité, nos très lointains ancêtres avaient dédaigné cette vallée partiellement marécageuse et s’étaient installés sur ses hauteurs, plus accueillantes et offrant probablement de meilleurs conditions de défense. C’est là qu’ils nous ont laissé les plus anciennes traces de vie : dolmens, haches de pierre, poteries, sépultures… Leur lieu de prédilection fut le coteau adossé au plateau de la Brie, bien orienté au sud et proche des sources dont les divinités – en latin diva – donneraient plus tard le nom de cet endroit : Dival.
Nul doute que la terre était occupée depuis bien longtemps quand Villonius en fit son domaine au temps de l’occupation romaine, et lui donna son nom originel : Villonissa. Car, nous disent les toponymistes, Villonissa signifie « terre de Villonius » : probablement un noble romain ou gaulois romanisé, dont le nom est passé à la postérité grâce au cadastre qui enregistrait les noms des propriétaires et fut utilisé dans les premiers siècles de notre ère.
Toutefois, ce n’est qu’à partir du XIIe siècle, donc bien après l’époque de Villonius, que le nom de la ville apparaît dans les chartes enregistrant les droits de propriété des personnages qui en possédaient la terre. Les règles d’orthographe n’étant pas établies, la ville y est désignée sous les formes les plus diverses : Villonissa, Villenesse, Villonesse, Villenosse, etc… On trouve pour la première fois le nom de Villonissa magna (Villonissa la grande) dans une charte de 1269 et la forme « Villenoxe », puis « Villenauxe », apparaît au XVIe siècle.
On va prendre aussi l’habitude de désigner sous le nom de Noxe le ruisseau qui traverse la ville et qu’on nommait jusqu’alors Nozandre, Balbucia ou Barbuise. Il semble donc que ce soit la ville qui ait donné son nom actuel au cours d’eau et non l’inverse.

La ville naît et s’accroît sous l’influence des moines augustins et bénédictins.

Les débuts de l’occupation de la vallée, c’est à des moines augustins dépendant de l’abbaye Saint-Quentin de Beauvais qu’on la doit. Pour des raisons qui restent mal élucidées, ils établirent un prieuré à l’emplacement de l’actuel centre ville vers la fin du XIIe siècle. Ils construisirent une chapelle et quelques bâtiments en bois, aménagèrent le ruisseau pour faire tourner deux moulins et la population se développa autour de ce noyau, en nombre suffisant pour bientôt justifier la construction d’une grande église de pierre. L’abside en fut entièrement réalisée au XIIIe siècle et constitue toujours l’abside de l’église actuelle.
À 5 kilomètres au nord du prieuré augustin se dressait la riche abbaye Bénédictine de Nesle-la-Reposte qu’avait fondée, dit-on, Clovis. En 1279, cette abbaye bénéficia d’une importante donation qui lui assura la possession d’à peu près le quart Nord des terres de Villenauxe. Cette propriété englobait la vallée de la Noxe sur laquelle les religieux firent bâtir une dizaine de moulins.
Les moulins faisaient de la farine mais ils servaient aussi à fouler les draps que l’on tissait sur place ou à écraser les écorces de chêne pour en tirer la poudre de tan servant à fabriquer le cuir dans les nombreuses tanneries que comportait la ville. Aussi, le commerce était-il prospère, probablement favorisé par la voie romaine toute proche où passaient les commerçants se rendant aux foires de Troyes et de Provins. Mais c’était la vigne qui fournissait l’activité principale. Les vignerons se comptaient par centaines, le vignoble couvrait l’ensemble des coteaux, occupait les moindres lopins de terre entourant les maisons, et le vin blanc clairet fit longtemps la réputation de la ville.

 Misère et renaissance

La guerre de Cent ans donna un coup d’arrêt à cette prospérité. Les jours les plus noirs, pour ce qui nous concerne, furent certainement ceux de cette année 1420 où les attaques répétées du château-fort de Montaiguillon entraînèrent la dévastation de la région et une misère généralisée. Quand la paix revint, au milieu du XVe siècle, la ville renaquit de ses cendres.
On releva les ruines, on reprit la construction de l’église de Villenauxe et l’on commença celle de Dival.
Il faudrait plus d’un siècle encore pour qu’elles soient achevées, mais dès 1499, l’évêque de Troyes vint les consacrer, dédiant la première à Saint-Pierre et Saint-Paul et la seconde à Saint-Jacques et Saint-Christophe.
À partir de 1470, on entreprit de creuser des fossés tout autour de la ville pour se prémunir des inondations qui l’envahissait régulièrement. Puis il fallut se protéger des bandes de pillards et l’on demanda au roi, François Ier, de nous autoriser à construire des fortifications en arrière des fossés. Le roi donna son accord en 1537, reconnaissant le bien fondé de la demande, car, écrivait-il, Villenauxe était « ung des plus beaulx, grant et mieulx peuplés bourg de notre Royaume…où passent, afluent et arrivent chacun jour grand nombre de marchands et marchandises… ».
Villenauxe et son antique faubourg Dival, qui constituaient des paroisses distinctes, se trouvèrent ainsi enfermés dans les mêmes murs formant une entité administrative unique que l’on ne désignerait plus que sous le nom de Villenauxe-la-Grande.

Villenauxe siège de la demeure seigneuriale

Les terres de Villenauxe étaient, pour leur majeure partie, propriété du seigneur qui résidait dans le château-fort de Montaiguillon.
Louis XIII et Richelieu, soucieux d’affaiblir les féodalités pour mieux affirmer leur propre autorité, incitèrent le seigneur à abandonner sa forteresse pour un château non fortifié. C’est en ces circonstances que Charles de Villemontée, le seigneur du moment, vint s’installer à Villenauxe, dans un château qu’il fit construire à partir de 1617 sur un vaste terrain occupant tout le sud de la ville.
Le château passa, plus tard, aux mains de François de Villemontée, descendant de Charles, qui entra tardivement dans les ordres et devint évêque de Saint-Malo. Puis, le maréchal Hannibal d’Estrées en devint propriétaire. Les familles de Belloy, de Livron et enfin de Saint-Chamans, lui succédèrent. En 1725, Alexandre de Saint-Chamans eut l’honneur d’accueillir Marie Leczinska qui avait épousé Louis XV par procuration à Strasbourg et était en chemin pour rejoindre son royal époux à Fontainebleau. La réception fut fastueuse et c’est à Villenauxe qu’elle découvrit le portrait de son mari sur un tableau qui est toujours en possession de la commune.

Heurts et malheurs de la Révolution

En 1789, Villenauxe connut son heure de gloire au tout début de la Révolution. Les miliciens locaux arrêtèrent en effet le baron de Besenval, commandant militaire d’Ile-de-France qui fuyait vers la Suisse, et le tinrent enfermé à l’hôtel du Cheval Bardé avant de le remettre aux émissaires venus de Paris. Pour le reste, la Révolution créa localement beaucoup d’agitation sans véritablement changer le quotidien. La fureur révolutionnaire se déchaîna sur des archives et des monuments qu’elle détruisit, nous privant aujourd’hui d’une précieuse partie de notre mémoire.
Les derniers vestiges des fortifications construites sous François Ier furent rasés. On en gardera le souvenir sous forme de promenades qu’on y aménagera plus tard et qui soulignent, encore de nos jours, le tracé caractéristique de la ville originelle.
La vente des propriétés seigneuriales et ecclésiastiques au profit de la Nation, permit à certains acquéreurs d’améliorer leur sort mais en conduisit d’autres à des actions regrettables. Ainsi, le château saisi après que le seigneur, Amans de Saint-Chamans, ait émigré, fut vendu à un entrepreneur insolvable. Pour rembourser ses dettes, il vendit son bien pierre par pierre, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus la moindre trace.

Fin d’Empire ; déclin de la ville et de son vignoble ancestral

Le premier Empire se termina, comme on le sait, par l’envahissement de la France. En 1814, La ville eut à subir les outrages des Cosaques qui brûlèrent une partie de la ville ; et en 1815, après la défaite de Waterloo, il fallut encore supporter l’occupation par les troupes russes. Leur présence fut plus pacifique que celles des Cosaques, de triste mémoire, mais les réquisitions qu’elles imposèrent, s’ajoutant à toutes celles qu’on avait déjà subies auparavant, laissèrent la ville exsangue. Les habitants commencèrent à arracher la vigne qui ne leur permettait plus de vivre pour lui substituer des cultures vivrières. Ainsi commença le lent déclin du vignoble ancestral.

Nouvelles activités : gueules grises et culs blancs. Vers 1850, se développa une nouvelle activité qui allait prendre le relais de l’activité viticole déclinante : celle de la fabrication de céramique. Un industriel ouvrit une première manufacture de porcelaine en 1854. Elle fut suivie par la création de 5 à 6 ateliers artisanaux dans les décennies qui suivirent. Mais ça n’est qu’au XXe siècle que cette activité pris tout son essor en employant jusqu’à 180 ouvriers dans les années 1960 et en assurant une production dont la qualité assiérait durablement la réputation de Villenauxe en ce domaine. En même temps que s’ouvrait cette activité nouvelle, on découvrait à Villenauxe, des filons d’argile propre à la fabrication de la faïence. On les exploita d’abord artisanalement. Mais, à partir de 1883, l’ouverture de la ligne de chemin de fer de Dijon à Amiens et la construction de la gare de Villenauxe, ouvrirent de nouveaux débouchés pour cette matière première et incitèrent à l’exploiter industriellement. Les emplois de mineurs extrayant l’argile dans les galeries souterraines allaient ainsi se multiplier, pour atteindre l’effectif de 150 environ dans les années 1950.
Ce serait, au total, plusieurs générations de Villenauxiers qui vivraient du travail de l’argile jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, les « gueules grises » arrachant « l’or gris » des entrailles de la terre, les « culs blancs » le transformant en objets d’art ou utilitaires dans les manufactures.

Évolution démographique, transformations sociologiques au début du XXe siècle

Au début du XXe siècle, le phylloxéra porta le coup de grâce au vignoble qui régressait depuis des décennies. Pour la première fois depuis des siècles, la vigne disparut des coteaux de Villenauxe. La sociologie de la ville en fut toute bouleversée : les descendants des vignerons ancestraux étaient désormais employés à la manufacture de porcelaine, aux mines d’argile ou prenaient le train pour aller travailler en masse aux ateliers du chemin de fer de l’Est, à Romilly-sur-Seine; les autres s’étaient faits agriculteurs.
La population avait décliné, passant d’environ 2800 personnes en 1800 à 2300 en 1900.
Le commerce et l’artisanat restaient prospère cependant, car Villenauxe continuait à jouer son rôle de bourg centre pour les communes environnantes : en 1900, on recensait 95 artisans et commerçants dans le centre ville, dont 33 commerces de bouche.
En 1914, la ville évita de justesse l’envahissement par les troupes ennemies. Mais elle sortit du conflit traumatisée par la mort de 70 de ses jeunes et par la série de difficultés, de malheurs et de bouleversements qui en résultaient.
Cependant, le plus dur restait à vivre ; c’est le 13 juin 1940 qu’il se produisit, quand l’aviation allemande chassant les troupes françaises en replis, fit disparaître en un instant sous ses bombes le centre historique de la ville et la majeure partie des commerces dont il vient d’être question. Fini le lacis de ruelles moyenâgeuses, les maisons à pan de bois avec leurs poutres sculptées, les vitraux de l’église, le ruisseau même qu’on combla pour le faire passer ailleurs… Les maisons furent reconstruites en bandes rectilignes le long de rues larges et claires… la ville avait perdu un peu de son âme qu’elle sacrifiait à la modernité. Elle avait aussi perdu beaucoup de sa population qui, avec 1770 habitants, était en 1954 au plus bas niveau jamais atteint.

Le rebond d’après guerre

Le classement du terroir en appellation Champagne amorça la renaissance de Villenauxe. Dans les années 1970, on vit les coteaux se couvrir à nouveau de la vigne qui avait disparu depuis 70 ans et bientôt, une centaine d’hectares allaient produire un raisin de qualité dont une partie est transformé sur place par 4 producteurs de champagne et une autre est vendue aux grandes maisons de la Marne.
Les édiles successifs surent accroître et rajeunir la population par des mesures appropriées, moderniser les infrastructures, valoriser l’environnement et préserver le patrimoine. La grande église commencée au XIIIe siècle, continuée aux XVe et XVIe, modifiée au XVIIe, fut profondément restaurée dans les dernières années du XXe et s’est ancrée dans le XXIe siècle en se parant de vitraux contemporains réalisés en 2005 par des artistes et maîtres verriers de grand renom : David Tremlett et l’atelier rémois Simon-Marcq.
La ville d’aujourd’hui n’est plus la « Villenauxe-la-longue » dont parlait l’historien. Ses habitations neuves s’étendent maintenant très au-delà de son enceinte historique. Elle a prit de l’ampleur, elle s’est rajeunie, elle s’est embellie, et la forte capacité d’adaptation qu’elle a montré tout au long de son histoire peut lui permettre d’aborder l’avenir avec confiance.